Quand la cabane m’appelle

Il y a quelque chose de sucré dans l’air… 

CHRONIQUE DU TEMPS DES SUCRES

 

Avez-vous déjà ressenti un frisson, une montée d’émotions en pensant à un endroit? J’imagine, tout le monde a son petit coin de paradis, son petit sanctuaire.

Le mien, je l’imagine dès la fin janvier tout enseveli sous une épaisse couche de neige, et je l’attends patiemment ce petit lieu magique. Lentement, au détour du mois de février, les jours commencent à rallonger, la lumière se transforme, le soleil est plus fort, ça fond et timidement ça commence à sentir le printemps.

Lorsque le mois de mars pointe son nez, on sent un début de délivrance d’un long hiver parfois rigoureux. Mais, ne vous méprenez pas, j’aime bien profiter de l’hiver et comme le dirait un vieux sage, ça prend un hiver si on veut le printemps.

Mais reprenons, je disais que j’ai toujours une belle sensation lorsque je songe à mon petit coin de bonheur, aussi, pour le faire vivre ou plutôt revivre, je prends mes raquettes au début mars pour y taper des sentiers et jouer de la pelle afin de retrouver les joies de mon enfance. Évidemment, vous l’aurez deviné, mon truc à moi en ce début de printemps, c’est la cabane à sucre! Je sais que cette appellation ne revêt pas le même sens pour tous. Moi, je n’ai jamais connu avant d’être adulte le concept de cabane à sucre où l’on s’assoit pour manger jusqu’à en déboutonner le bouton de ses culottes. J’ai connu un autre monde, celui de la cabane familiale traditionnelle où nous avions fort à faire pour transformer l’eau d’érable en délicieux sirop et en d’autres produits sucrés.

Heureusement, que nous avions le patriarche détenteur du savoir et muni de son classique thermomètre où il ne restait presque plus d’écriture tant l’objet avait vu d’eau d’érable bouillante n’attendant que le bon degré pour être coulé en sirop.

Je me ferme les yeux et j’entends les gouttelettes d’eau d’érable résonner dans les chaudières de tôle. Plusieurs centaines de gouttes produisant une mélodie quasi cadencée, une symphonie parfaite tranchant avec le doux silence d’une forêt réchauffée doucement par les chauds rayons du soleil. Le vrombissement du champion (l’évaporateur si vous préférez), l’odeur du réduit chaud et bien sûr son goût, ah!  

Je ne sais pas si ce sont les souvenirs des rencontres familiales, l’amour du travail à la cabane, les très célèbres œufs dans le vinaigre du grand-père, le plaisir de jouer dans les petits ruisseaux formés par la neige fondante, le sport extrême que pouvait constituer le ramassage de l’eau d’érable en raquette de babiche, la pompe à eau vintage, les dizaines de palettes et autres instruments pour faire le sucre accroché sur les murs (dont la plupart n’ont toujours été que des décorations) qui me font si chaud au cœur, mais je suis fière de perpétuer cette tradition. C’est un refuge à la modernité, un contact avec la nature et un lien avec les pratiques de nos ancêtres. Encore cette année, je vais savourer le beurre d’érable, le pain de sucre dur et la beurrée de crème sur un bon pain de ménage. Je suis fière de pouvoir rêver à ce lieu des possibles et le faire vivre dans mon esprit avant d’accrocher mes premiers chalumeaux dans quelques semaines et savourer le sirop frais de l’année.

 

Véronique Morin, Montmagny

Photo: Joëlle Gendron